les ateliers blancarde

7-20 avril 2023

Estefany Fajardo Gutiérrez est née à Bogota, Colombie, en 1991. Après avoir reçu son diplôme d’études universitaires en graphisme, elle s’installe à Marseille, où elle vit et travaille actuellement. En 2017 elle obtient le DNSEP à l’école de Beaux Arts de Marseille. Actuellement porteuse du projet éditorial de bande dessinée Drones & Gabians, et adhérente active de différents projets de jardinage participatif à Marseille.

Démarche artistique

“La question d’habiter m’occupe depuis quelques années. Je réfléchis sur ce que signifie en ce moment de l’histoire habiter le monde, habiter un certain territoire, habiter une certaine ville. Pour cette raison, une phrase de Henri Maldiney m’a beaucoup marqué: “Habiter, c’est à chaque instant bâtir un monde où avoir lieu d’être. Bâtir, c’est gouverner, non pas administrer”. Cette idée a éclairé des nouvelles perspectives sur mon travail artistique, et m’a amené à aborder la question d’habiter à partir des gestes successifs de contemplation, occupation et transformation d’un espace …”

Depuis 2018, les ruines urbaines ont une place importante dans sa recherche plastique. Elle travaille sur l’introduction des possibles dans des lieux abandonnées et résiduels. Bien que ces lieux soient placés dans un contexte particulier, elle se sert de la photographie, du dessin, de la projection et des techniques d’impression pour superposer d’autres récits, pour les re-habiter. Cette superposition a lieu par des installations éphémères in situ, qui sont documentées en vidéo ou en photographie.

Projet de résidence

Pendant la résidence, Estefany Fajardo va explorer les possibilités d’un jardin-utopie en tant que force catalyseuse des stratégies artistiques. Elle parle de ‘gestes’ et des ‘stratégies’ artistiques, et se place sous la lumière du travail d’Annie Vigier et Franck Apertet – les gens d’Uterpan, une ouverture vers des manières d’investir le corps dans l’espace public, tout en questionnant le statut de l’œuvre d’art vis à vis des institutions. Ce projet répond aussi à un questionnement sur sa place en tant qu’artiste face à un réel insatisfaisant, où la création d’un jardin participatif se voit empêchée par des entraves institutionnelles. Comment le travail artistique peut-il s’immiscer dans le quotidien d’un espace public pour exprimer une utopie?

« Mon projet de création porte sur le pouvoir du geste artistique à rendre présent un jardin inexistant, ne serait-ce que pour le temps de sa durée. Je prends comme point de départ la notion d’utopie telle que la conçoit le philosophe Jean-Luc Nancy et la comparaison qu’il en fait avec l’oeuvre d’art : «L’utopie a été comme la tentative — ou la tentation — de mettre en oeuvre une représentation qui locariserait le non-lieu. En cela l’utopie est proche d’une structure ou d’une dynamique profonde de l’œuvre d’art. Toutefois, l’utopie comme telle se règle sur un programme d’achèvement. L’art, pour sa part, n’achève l’œuvre que pour l’ouvrir sur un dehors qu’elle recèle mais qu’elle ne contient pas.»

Du point de vue étymologique, le jardin est à la fois enclos et paradis, qui n’est pas sans lien avec la notion d’utopie. Lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, Gilles Clément explique que «historiquement c’est au sein de cet enclos que l’homme a mis ce qu’il estimait le meilleur, l’unique, et peut-être le plus fragile». C’est aussi dans cet enclos que l’on peut se débarrasser des inquiétudes existentielles et se permettre de rêver. Un jardin participatif est un regroupement de divers rêves, qui rejoignent les histoires de chacune des plantes et de chaque organisme réunis dans cet espace. Le résultat est l’expérience d’habiter un présent riche en récits. Mais, qu’en est-il du jardin qui n’a pas encore eu lieu? Qu’a-t-il à raconter?
 

Je voudrais tirer parti du format de cette résidence pour recadrer ma propre pratique artistique en termes de médiums et méthodes, vers une création non productiviste. Tel qu’un jardin inexistant, qui ne produit ni fruits, ni fleurs, ni légumes, le geste artistique improductif n’est pas centré sur la production d’un objet, mais peut générer des ouvertures vers d’autres possibles, à travers des textes, des protocoles d’occupation, des documentations.
 Dans le contexte d’une analyse diérente, celui de l’utopie queer, le philosophe José Esteban Muñoz me donne des pistes sur la place de l’artiste dans le questionnement du présent : «La critique d’un ‘ici et maintenant’ hégémonique ne consiste pas à détourner le regard du quotidien. Roland Barthes a écrit que le quotidien est la marque de l’utopique. Cet argument est venu souligner le fait que l’utopie est une impulsion perceptible dans la vie de tous les jours. Il faut entrevoir dans cet élan quelque chose qui déborde le commerce quotidien du capitalisme hétéronormatif. Cet exemple du quotidien de l’utopique est perceptible dans les liens utopiques, les aliations, les projets et les gestes qui existent au sein du présent.»

Les idées évoquées par Muñoz me mènent à penser sur les relations affectives qui se tissent autour d’un projet de jardin participatif. La stratégie de diffusion du projet serait idéalement ancrée dans l’écosystème du quartier, et je pense aux voisin.e.s des Ateliers Blancarde, aux passant.e.s, ainsi qu’aux associations dans la ville qui s’intéressent au jardinage et à l’agriculture urbaine. »

Depuis juin 2021, Dos Mares et Les Ateliers Blancarde proposent des résidences de création dans le but de soutenir les artistes visuels dans le développement de leur activité professionnelle.

Programme de la résidence

7-20 avril 2023
Les ateliers blancarde

jeudi 13 avril · 17h-18h30 · Conversation avec l’artiste
Estefany Fajardo présentera à cette occasion ses problématiques, l’enjeu de sa résidence ainsi que l’ensemble de son travail. Entrée gratuite.

jeudi 20 avril · 16h-20h · Restitution de résidence
Présentation du travail de création réalisé durant la résidence.